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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/548

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qui guettait dans l’antichambre comme un chat avide et patient, se dirigea vers le laquais :

– Donne-moi cette lettre, je m’en charge, dit-il.

Le laquais, qui connaissait M. de Charny, la lui remit sans hésiter. Cependant la Déroute et Grippard étaient restés dans la cour de M. de Louvois, attendant le retour de Belle-Rose. La Déroute triomphait ; plus fier qu’un capitan, il allait et venait, le poing sur la hanche et la tête haute, dans cette cour où quelque temps auparavant on l’avait vu, triste et rêveur, fureter de porte en porte sous mille déguisements. Volontiers il aurait conté les exploits de son maître à toutes les personnes qui passaient par là, et il regardait les gens sous le nez de l’air d’un homme qui se sent protégé par la faveur du roi. Quant à Grippard, si un instant il avait cédé aux fumées de l’orgueil qui étourdissaient la Déroute, il n’avait pas tardé à ressentir l’influence de la fatigue unie à la chaleur. Il s’assit dans un coin sur une borne, glissa tout doucement de là par terre, s’étendit sans prendre garde, cligna de l’œil et s’endormit bravement au soleil. Une heure après, M. de Charny parut dans la cour. La Déroute avait toujours sa mine triomphante ; de temps à autre il regardait Grippard et haussait les épaules, trouvant que c’était un homme qui n’avait pas le sentiment de sa dignité. À la vue de M. de Charny, la Déroute fronça le sourcil, mais il lui sembla que cet homme trois fois vaincu n’était pas digne de sa haine, et il sourit de l’air magnifique d’un triomphateur. M. de Charny ne prit pas garde à la Déroute et sauta dans un carrosse qu’on avait préparé.

– Barrière Saint-Denis, dit-il.

L’attelage partit au grand trot.