Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/554

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son siège. Claudine, qui s’en aperçut, s’élança vers l’abbesse.

– Oh ! que je souffre ! murmura-t-elle, les deux mains sur sa poitrine.

Suzanne et Claudine se sentirent froid au cœur.

– De l’eau, donnez-moi de l’eau, répéta Geneviève ; j’ai du feu dans le corps.

Son visage devint livide. La Déroute vit par terre l’écorce d’une orange et comprit tout.

– Elle est empoisonnée ! dit-il.

Mme de Châteaufort l’entendit.

– Faites monter Gaston, s’écria la pauvre mère qui se sentait mourir.

Ses traits se décomposaient rapidement, elle avait déjà l’œil plombé et les joues creuses comme une femme que la fièvre aurait dévorée depuis dix jours. Un médecin fut appelé et du premier mot il confirma les craintes de la Déroute. Geneviève était empoisonnée ; le mal avait fait des progrès irréparables ; les remèdes les plus énergiques pouvaient à peine prolonger la vie de quelques heures. La duchesse en reçut la nouvelle avec un calme profond.

– Il fallait une victime, dit-elle, Dieu m’a choisie ; Dieu châtie ceux qu’il aime.

Des réactifs puissants calmèrent ses tortures, et quand elle eut reçu les secours de la religion, elle attendit son heure, pieuse et résignée. Elle souriait à Suzanne et regardait Gaston avec des yeux pleins d’une tendresse ineffable. Les cloches de l’abbaye sonnaient, et les sœurs, réunies dans la chapelle, récitaient la prière des agonisants.

Pendant que ces choses se passaient à Sainte-Claire d’Ennery Belle-Rose achevait le rapport qui devait instruire la province du passage du Rhin à Tolhus. M. de Louvois était tout seul et livré aux sérieuses méditations qu’enfante la solitude. Son âme damnée, le lugubre et