Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/555

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pâle M. de Charny, n’était plus là ; les pensées du ministre, un instant surexcitées par les sombres paroles du gentilhomme, avaient pris un cours austère. Devant ses yeux s’étalait tout ouverte la lettre de Louis XIV, ses regards ne s’en pouvaient détacher, et il lui semblait que les caractères en étaient de feu. Le roi avait pris Belle-Rose sous sa sauvegarde, et le roi, M. de Louvois le savait, n’aimait pas que personne s’interposât entre lui et sa volonté ; la France et le monde tremblaient au seul froncement de ses sourcils olympiques. M. de Louvois se demandait alors si c’était bien la peine de s’exposer à une lutte dangereuse pour le mince plaisir de suivre sa vengeance contre un homme qui, à tout prendre, était dans son droit, et s’il ne serait pas plus grand, plus digne et surtout plus politique d’abjurer ses projets, désormais inutiles et périlleux. Il se souvint qu’avant toutes choses, et dans la haute position que les événements et son génie aussi lui avaient faite, il devait être homme d’État. M. de Louvois passa la main sur son front brûlant et grave, but à deux reprises de l’eau qui était dans le vase, et avec cette force de volonté qui lui était particulière, s’il ne la tua pas, du moins il enchaîna sa haine au fond de son cœur. Belle-Rose avait fini. Le ministre lut la relation et l’approuva d’un signe de tête.

– Vous avez été modeste autant que brave, lui dit-il, c’est à moi de réparer vos omissions, et je le ferai en homme qui a été votre ennemi. Allez, monsieur le vicomte, vous êtes soldat et je suis ministre, que chacun de nous serve son roi et son pays selon sa force et sa conscience. Donnez-moi la main, et croyez que vous ne me trouverez plus entre vous et la fortune.

Belle-Rose prit la main que le ministre lui tendait et s’éloigna, sinon captivé par l’homme, mais du moins plein d’admiration pour le ministre dont le génie ferme commandait à tout, même à ses passions. Cependant Belle-Rose était parti de Paris vers le soir. Pressé de