Page:Acker - Petites Confessions, sér1, éd3.djvu/75

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désespérais point, car je savais déjà que tout s’arrange, et tout en effet s’arrangea. J’aime Paris et j’aime la campagne. Eh bien ! j’ai acheté entre Amboise et Tours une ferme, je l'ai agrandie depuis comme il convient, j’y passe six mois de l’année. Si j’ai besoin d’aller à Paris, je n’ai que trois heures de chemin de fer, puis je reviens, je descends à Amboise ou à Tours, et je gagne la maison en suivant la Loire. C’est délicieux. Voilà un pays où l’on ne connaît pas la neurasthénie. L’air est d’une infinie douceur, la nature est simple, point de montagnes, point de forêts impénétrables, des rivières limpides à travers des plaines heureuses. Tout est tempéré, mesuré. Les habitants ont, eux aussi, l’âme de cette terre. Tout homme a deux pays : celui où il est né, et celui où il meurt. Je suis né en Provence, je mourrai en Touraine.

— Vous pêchez ? Vous chassez ?

— Oh ! non ! La pêche, la chasse, ce sont encore des émotions inutiles. Prendra-t-on du poisson ? prendra-t-on du gibier ? Autant d’inquiétudes qui détruisent le calme de l’esprit.

— Alors, bien entendu, jamais d’automobile ?

— De l’automobile, jamais de la vie ! L’automobile, c’est, non seulement la neurasthénie infaillible, mais la mort, la mort de toutes façons, et la mort certaine et complète. Non, non. Je me promène, je me repose, je travaille, j’élève des vaches, je m’occupe d’agriculture, je fabrique du vin, du vouvray, et je suis bouilleur de cru.