Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/174

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il vient. C’est quelque pauvre diable, qui se sera donné pour un morceau de pain, et qui est peut-être bien sûr de tomber ; mais il touchera ses avances et son premier mois, et il ira en faire autant dans quelque autre ville. Il y en a qui font ce métier-là toute l’année.

Le journal parut encore plus vivement intéresser notre jeune homme qui commençait à trouver sa position fort embarrassante. Cependant la petite fille s’était ennuyée de regarder lire son père, et s’étant laissée glisser de son tabouret, elle avait été se placer près des joueurs. Sa petite tête se trouvant à la hauteur de leur table, elle aperçut les dominos.

— Oh ! les jolis joujoux, s’écria-t-elle tout d’un coup, et étendant sa petite main sur les objets de sa convoitise, elle brouilla toute la partie, en jetant la moitié du jeu à terre.

— L’exclamation des joueurs força le père à interrompre sa lecture simulée, et rompant son silence obstiné :

— Titine, qu’est-ce que vous faites donc là ? Pourquoi n’êtes-vous pas restée à côté de moi ?

L’enfant revint près de son père avec une petite moue toute drôle, et l’air fort désappointé. S’adressant alors aux joueurs :

— Mille pardons pour cet enfant, Messieurs, leur dit-il, ce n’est pas sa faute, c’est la mienne ; mais la lecture de ce journal m’occupait tellement, que je ne l’avais pas vue s’éloigner de moi.

Les joueurs acceptèrent de bonne grâce ses excuses : mais dès ce moment il devint le point de mire de leurs regards, et probablement le sujet de leur en-