Page:Adam - Voyage autour du grand pin, 1888.djvu/6

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pointe qui s’avance dans la grande mer. Là, dans la plaine, c’est Antibes, qui ferme le soir toutes ses portes et dont les remparts sont gardés nuit et jour par des soldats.

Après avoir longuement contemplé l’étendue déployée devant moi par mon jeune guide, je me retournai.

Le sombre Estérel fermait l’horizon du côté de l’ouest. La Napoule, éclairée par les reflets de la mer, souriait à l’austère cap Roux ; les flancs bleuis du Tanneron faisaient face aux blanches collines de Saint-Vallier ; et la gorge du Loup s’emplissait d’ombre jusqu’aux bords. L’orgueilleuse ville de Grasse, assise au penchant d’une montagne, dominait la vallée des roses, comme autrefois le château des seigneurs dominait les terres esclaves. Au-dessus de Grasse, des centaines de bastides blanches, semblables à des marguerites dans une vaste prairie, émaillaient les champs d’oliviers.

En me rapprochant du Grand-Pin, je vis Mouans au fond d’une vallée, et Mougins sur une hauteur ; le gracieux monticule de Cannes, avec ses tours en ruine et sa vieille église ; puis le Cannet frileux, qui se cache derrière sa forêt d’orangers.

L’esprit lassé par la contemplation de tant de choses nouvelles et grandioses, je m’assis en face du golfe Juan, et j’abaissai mes regards jusqu’au pied de la montagne du Grand-Pin.

Il y avait là un petit village à l’abri des vents et comme enfermé au milieu des collines. Sur le versant des coteaux, la campagne, ombragée par des oliviers magnifiques était pleine de douces lueurs. Ce vallon donnait à l’âme l’idée du recueillement et de la paix. Un enivrant parfum de violettes filtrait pour ainsi dire à travers la pénétrante odeur des pins et montait jusqu’à moi.

— Comment appelle-t-on ce village ? demandai-je à Nanette.

— Vallauris.

— Ah ! c’est ainsi que je l’aurais nommé.

Je ne sais pourquoi, chère madame, il me parut à ce moment-là que l’heure de faire mon examen de conscience avait sonné. Rien ne protestait plus en moi contre cet enthousiasme que vous m’aviez promis et que j’avais trouvé. Je suis capable de confesser une erreur et je la confesse. Il faut maintenant que j’apprenne à connaître les environs de Cannes, de manière à pouvoir en bien parler avec vous. Le meilleur moyen de se faire pardonner son ignorance, n’est-ce pas de s’en corriger ?

Je traçai donc autour de moi un cercle large comme l’horizon, et je fis le serment de visiter tout le pays que j’enveloppais du regard.

— La vue de ma montagne est-elle bornée ? dit Nanette.

— Elle est superbe, mon enfant, et je suis tout simplement ravie de cette promenade.