Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/21

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étaient tous maigres. Dans leurs yeux largement ouverts luisait une étincelle de fanatisme. Issus de races bruyantes et sensuelles, ils concentraient toute leur vitalité dans l’étude du livre où est recueilli le Verbe de Dieu. Leur cou très long était marqué de veines saillantes, leurs épaules étaient étroites et anguleuses, leurs doigts effilés. Ils portaient autour de leur calotte de feutre une large bande d’étoffe repliée qui enserrait leurs oreilles. Leur physionomie était hautaine, fermée, farouche. Naïfs dans leur foi, ils méprisaient ostensiblement les jouissances matérielles. On en voyait des centaines qui, parvenus à la vieillesse, s’instruisaient encore. N’ayant pu obtenir le titre de cheik, ils finissaient leurs jours sur la même natte où ils s’étaient assis enfants.

Les maîtres différaient de leurs disciples. On eût dit que sur les cimes de la science ils jouissaient d’un spectacle réconfortant. À les voir robustes, affables, indulgents, on se demandait comment la pensée qui entretenait l’équilibre de leurs facultés morales et la santé de leur organisme pouvait consumer les corps malingres qui la recevaient d’eux avec enthousiasme.

Comme il était sous le portique, Cheik-el-Zaki fut abordé par un étudiant qui, s’inclinant avec aisance, tenta de lui baiser la main.

— Non… Non… dit le savant.

Il esquissa un geste de protestation et reprit :

— Que ta soirée soit bénie, Waddah-Alyçum.

Il scruta le visage du jeune homme aux lignes pures et serrées. La conscience presque féminine