Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/23

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— Par Allah ! n’en fais rien, le mauvais œil te guette…

Les gens s’écartaient avec déférence au passage d’El-Zaki. Parfois ils se prosternaient à son approche ou, d’un geste furtif, baisaient la manche large de son caftan. Dans leurs petites boutiques sans devanture, rehaussées de quelques marches, des libraires, des orfèvres, des armuriers, des merciers accroupis sur des nattes et un chapelet aux doigts, se livraient à des calculs en marmonnant des hadiths.

Cheik-el-Zaki, doté d’une large fortune et qui était parvenu à l’une des plus hautes dignités universitaires, avait le souci de ses gestes, afin que nul ne se permît la moindre privauté à son égard. Dédaigneux et bienveillant, il se mêlait à la foule avec la certitude qu’elle ne lui marchanderait pas les marques de respect.

Il était petit, robuste. Son visage rond était encadré d’une barbe courte, déjà blanche. Ses yeux vifs étaient surplombés de sourcils touffus qu’il teignait en noir. Tout dans sa physionomie exprimait l’autorité ; mais parfois un geste large et souple, un sourire franc révélaient une nature indulgente.

Alyçum s’était choisi ce maître pour l’étrangeté de ses vues et la vigueur de sa parole. Ses amis, Mokawa-Kendi et Akr-Zeid-Taï, avaient élu chacun une colonne différente, si bien que dans leurs existences, pareilles en tous points, la seule séparation venait de leurs idées.

À l’extrémité d’une ruelle plus mouvementée