Page:Agoult - Histoire des commencements de la république des Pays-Bas - 1581-1625.djvu/30

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éternel. Une sorte d’égalité devant l’Océan fut de bonne heure sentie et consentie, car elle était imposée par Dieu. « Les premières institutions dont on retrouve la trace en Hollande furent des institutions de défense contre les fleuves et la mer[1] » Dès l’origine, en effet, il avait fallu lutter incessamment contre les eaux extérieures et les eaux intérieures[2] ; il avait fallu élever des digues, creuser des canaux, construire des écluses. De très-bonne heure aussi, la nécessité de relier les travaux particuliers en vue de l’intérêt général avait été aperçue. Le système hydraulique, qui créait et conservait le sol, avait rendu indispensable une administration qui possédât des connaissances spéciales. Cette administration nombreuse et savante, qui n’admettait guère le privilège du sang et qu’il fallait bien, à cause de la promptitude d’action qu’on exigeait d’elle, investir de pouvoirs très-étendus, donna naissance à une sorte de noblesse plébéienne fondée sur le savoir et le travail, sur les vertus civiles plus que sur les vertus guerrières, et qui put rivaliser avec la noblesse féodale. Le waterstaat (état des eaux) fut une sorte de corps du génie, une armée pacifique et trés-honorée. Les dijkgraves, les moergraves, les watergraves, inspecteurs, juges ou comtes des digues et des eaux, furent, dans les temps de crise, plus puissants que les comtes féodaux

  1. A. Esquiros, La Néerlande et la vie hollandaise.
  2. C’est l’expression dont on se sert encore pour distinguer les eaux salées et tes eaux douces, la mer et les marais.