Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/49

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sans prendre de lui le moindre souci pendant de longues années, lorsque la passion est éteinte, que la désillusion est venue et que la mort se penche à votre chevet, il ne suffit pas de se dire : J’ai été coupable, j’ai été lâche ; pour ne pas gêner mes plaisirs, j’ai fait le malheur de mon enfant. Tout cela est vrai, mais qu’importe ? il n’a pas de comptes à me demander, je n’en ai pas à lui rendre, je me repens aujourd’hui ; pour que Dieu me pardonne, il me faut le pardon de mon fils ; je l’exigerait, ne suis-je pas sa mère ! Eh bien ! non ! madame ; ce n’est pas vrai ! Ce serait un étrange calcul celui qui ordonnerait à la victime de faire grâce à son bourreau ! La maternité, telle que Dieu l’a faite et la comprend, est toute d’amour et de dévouement ; une mère se doit à son enfant sans réserve ; elle ne peut le priver ni de ses caresses, ni de ses joies ; il lui est donné pour qu’elle le protège, le défende, et lui donne sa vie au besoin ! Cette loi est générale et obéie par toutes les créatures, même les plus féroces en apparence. Essayez de ravir son petit à une lionne, vous verrez jusqu’où elle poussera l’amour maternel : elle se fera tuer en le défendant, et, mourante, elle essaiera encore de faire un dernier rempart de son corps à cette faible créature qu’elle a été impuissante à sauver. Les animaux adorent tous leurs enfants, madame. Seules les femmes, ces êtres charmants, plus cruels que les tigres, abandonnent les leurs, les tuent elles-mêmes, ou bien, si le cœur leur manque, elles essaient de les faire tuer par d’autres.

— Oh ! Olivier ! s’écria-t-elle haletante, en joignant les mains avec prière.