Page:Alexandre Pouchkine - Poèmes dramatiques, Viardot, 1862.djvu/71

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Que sont devenues nos plus nobles familles ? Où sont les Sitski, les Chestounoff, les Romanoff, l'espoir de la patrie ? Tous emprisonnés ou tourmentés jusqu'à la mort dans l'exil. Attends un peuj le même sort va te frapper. Est-il tolérable que nous soyons, dans nos propres demeures, assiégés par nos infidèles esclaves comme par les Polonais ? Tous des espions prêts à nous vendre, achetés par le pouvoir. Nous dépendons tous du premier serf que nous osons punir. Il vient d'imaginer l'abolition du jour de la Saint-Georgesx ; nous ne sommes plus les maîtres dans nos propres biens ; nous ne pouvons plus chasser un fainéant, il faut le nourrir. On n'ose plus attirer


1. A ce jour de la Saint-Georges (18 septembre), qui s'appelait Yourieff-Dicn, tous les paysans avaient droit de changer de'pays et de maîtres. C'était un puissant correctif à la servitude : il obligeait les seigneurs à bien traiter leurs serfs sous peine de les perdre ; il rendait les injustices et les violences, sinon impossibles, au moins peu durables ; il laissait une sorte de libre arbitre dans l'esclavage, et les seigneurs devaient, par intérêt et calcul, offrir à leurs paysans protection, sécurité et bien être. En abolissant le privilège de VYourieff-Dien, par un oukase du 21 novembre 1601, Boris Godounoff attacha définitivement Jes serfs à la jjlèbe, eux et leur postérité,


à soi un bon ouvrier,