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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

posés, que soutiennent de forts madriers. À chacun de ces étages sont disposées des étagères, entre lesquelles la circulation est ménagée au moyen de couloirs. La hauteur des étages est d’environ deux mètres cinquante, et ia largeur des étagères de deux mètres.

La paroi de la cave, qui est le roc même de la montagne, a été laissée nue ; le côté opposé, au contraire, est entièrement muré. De la paroi du fond s’épanche, par de grandes fissures, en courants continus, l’air frais. Ces fissures se prolongent souterrainement et se perdent dans l’intérieur du sol montagneux ; les courants d’air qu’elles fournissent et qui sont appelés fleurines, sont parfois très violents ; mais plus une cave possède de fleurines, plus elle est favorable à la fabrication du fromage.

La température de la cave étant assez basse, ils virent les ouvrières, — qu’on appelle cabanières — de cabo, cave en patois du pays — occupées dans ses profondeurs, et habillées très chaudement de vêtements de laine, la tête protégée d’un bonnet recouvert d’un mouchoir ; un grand tablier leur montait jusqu’à la poitrine. Toutes ces ouvrières jeunes, fraîches, paraissaient vives et gaies, contrairement à ce que l’on aurait pu croire : l’existence souterraine qu’elles mènent pendant les huit mois de l’année que dure le travail des caves, n’altère nullement leur robuste santé.

Les cabanières, réparties aux divers étages de la cave, travaillaient, éclairées par des lumignons suspendus auprès d’elles. Assises sur des escabeaux, les unes raclaient à l’aide d’un couteau au tranchant bien affilé, les pains de fromage ; les autres, les rangeaient sur des étagères, les disposant par piles de trois, en ayant soin de ménager entre chaque pile une certaine distance, afin que l’air circule librement ; d’autres encore allaient et venaient, descendant dans la cave les fromages frais qui déjà ont passé au saloir et dont une première croûte gluante appelée pégot a été enlevée, et aussi la seconde croûte nommée rebarbe blanche.

Tous les fromages passent ainsi par plusieurs raclages successifs dans lesquels tombe ce qu’on appelle barbe ou duvet. Quelques-unes des ouvrières enlevaient les fromages arrivés à point et prêts à être expédiés. Il faut de trente à quarante jours de cave pour la confection d’un fromage. Ceux de l’arrière-saison sont les plus estimés.

On reconnaît qu’un fromage est formé lorsque son enveloppe grise se marbre de bleu : c’est le résultat d’une végétation cryptogamique, dont les germes ont été déposés dans le lait caillé au moyen d’une poudre de pain moisi.