Page:Anatole France - Balthasar.djvu/176

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Elle ne l’écoutait point. Elle se mit debout et voulut s’enfuir. Mais ses pieds enflés et nus lui causèrent une si vive douleur qu’elle tomba sur ses genoux en sanglotant de plus belle. Tad la soutint dans ses bras et Pau lui baisa doucement la main. C’est pourquoi elle osa les regarder et elle vit qu’ils avaient l’air plein de pitié. Pic lui sembla un être inspiré, mais innocent, et, s’apercevant que tous ces petits hommes lui montraient de la bienveillance, elle leur dit :

— Petits hommes, il est dommage que vous soyez si laids ; mais je vous aimerai tout de même si vous me donnez à manger, car j’ai faim.

— Bob ! s’écrièrent à la fois tous les Nains ; allez chercher à souper.

Et Bob partit sur son corbeau. Toutefois les Nains ressentaient l’injustice qu’avait cette fillette de les trouver laids. Rug en était fort en colère. Pic se disait : « Ce n’est qu’une enfant et elle ne voit pas le feu du génie qui brille dans mes regards et leur donne tour à tour la force qui terrasse et la grâce qui charme. » Pau songeait : « J’aurais peut-être mieux fait de ne pas éveiller cette jeune demoiselle qui nous trouve laids. » Mais Tad dit en souriant :