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sique de l’amour », ou ce chapitre « des femmes », où Schopenhauer définit la polygamie qui est la nôtre, et qui subsiste, bien que régularisée et masquée par des nécessités de bon renom ; les raisons de la pudeur et de la fidélité féminines, réduites à l’observance des rites d’une franc-maçonnerie très entendue ; les raisons du mariage européen enfin, approximativement monogame chez les femmes, parce qu’il est l’institution qui défend le mieux leurs intérêts[1].

Au-dessus de tout, de la sociabilité affinée et de la morale des sexes réglée, l’État est l’institution qui, scientifiquement, règle le rapport des volontés. Il fait un bilan exact des souffrances et des joies qui résultent de l’injustice, et les répartit équitablement par la loi. Métamorphose malaisée que celle qui se charge de transmuer de la force en droit. Toute l’ingéniosité de Hobbes, de Spinoza et de Fichte a été nécessaire pour nous la faire comprendre. Nietzsche qui recueille de Schopenhauer cette description en sera davantage poussé vers le transformisme.

Quoi de plus nietzschéen que cette analogie, établie déjà par la théorie du droit schopenhauérienne entre la condition des hommes et celle des animaux ? La sélection, après les animaux qui vivent en paix d’herbages ou de graines, produit spontanément des carnassiers et des rapaces qui font leur proie de ces animaux pacifiques. Ainsi chez les hommes : spontanément il naît des classes de rapaces et des peuples de carnassiers. La foule, au lieu de travailler pour elle-même, peine pour ses oppresseurs qui la dévorent. Comment de là naîtra le droit ? Cela même est le droit. La force engendre elle-même la raison


  1. Die Welt als Wille und Vorstellung. Ergänzungen zum IV. Buch., ch. xliv ; — Parerga, Vereinzelte Gedanken, ch. xxvii.