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CHAPITRE IV


FONTENELLE.



De Fontenelle, Nietzsche a goûté surtout les Nouveaux Dialogues des Morts[1]. Il a aimé dans ce livre « immortel » la souplesse de la pensée, la limpidité et cette aisance du tour que donne l’habitude de la meilleure conversation dans une société très polie. Le dialogue platonicien avec sa « façon enfantine de se complaire dans sa dialectique » paraissait à Nietzsche sans grâce auprès de ce bon ton des Français du xviie et du xviiie siècle, très avisés, difficiles à duper, mais qui se contentaient d’autant plus volontiers d’une parfaite nonchalance dans l’affirmation que leur croyance se sentait solide sous des formes sceptiques[2]. Le pathos des convictions annoncées bruyamment n’a jamais semblé à Nietzsche un signe de force. Les dialogues de Fontenelle satisfaisaient Nietzsche par une irrévérence légère et de bonne compagnie. Ils mettaient aux prises dans une escrime brillante l’empereur Auguste avec l’Arétin et donnaient l’avantage au pamphlétaire, non à l’empereur ;

  1. Nietzsche possédait de Fontenelle les Dialogues des Morts et l’Histoire des oracles. V. le catalogue de sa Bibliothèque dans Arthur Berthold. Bücher und Wege zu Büchern, 1900, p. 429, 434. — Cf. Der Wanderer und sein Schatten, § 214. (W., III, 310.)
  2. Gœtzendaemmerung. Was ich den Alten verdanke, § 2. (W., VIII, 168.)