Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, I.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Helvétius, à Cabanis, à Bichat, à Destutt de Tracy, à qui il emprunte cette conception de la psychologie et de la morale[1].

Le sensualisme biologique qui est au fond de cette conception, ne fait la distinction du physique et du moral que pour la commodité du langage. Ces termes usuels traduisent en deux langues différentes une réalité unique, mais inconnaissable. La vie de l’organisme se manifeste à la fois par des actes physiques et par des opérations mentales et volontaires. Nous pouvons saisir le lien de fait entre le mental et le physique, sans approcher l’unité profonde où ils se joignent substantiellement. Une analyse descriptive qui, dans l’ordre des faits de l’esprit, décompose et isole les actes et leurs mobiles ; une synthèse qui reconstruit ce mécanisme et le montre en action ; une anatomie et une physiologie de l’âme, voilà tout ce que nous pouvons connaître de l’homme moral. Cette vie mentale est liée à la vie du corps ; le Vinci déjà l’avait su :

Probablement Léonard approcha d’une partie de la science de l’homme qui, même aujourd’hui, est encore vierge : la connaissance des faits qui lient intimement la science des passions, la science des idées et la médecine[2].

Science sèche et décourageante qui semble dénier aux hommes toute noblesse de cœur : car nous sentons que des hommes tels que Condillac ont la vue très nette[3].

  1. Sur l’idéologie de Stendhal, voir P. Arbelet, La jeunesse de Stendhal, 1914, pp. 281-284 ; l’Histoire de la peinture en Italie et les plagiats de Stendhal, 1914, p. 204 sq. ; l’éclatant livre de Léon Blum, Stendhal et le Beylisme, 1914, et Henri Delacroix, La Psychologie de Stendhal, 1918 ; enfin l’essai de P. Sabatier, La Morale de Stendhal, 1920. Les définitions de Stendhal sont à vérifier dans sa Correspondance inédite. I, p. 84 ; II, p. 181. Nous citerons Stendhal dans l’édition Galmann-Lévy, la seule que Nietzsche ait connue. Nous ferons exception pour les Promenades dans Rome, citées dans l’édition de 1839.
  2. Stendhal, Histoire de la peinture en Italie, p. 169.
  3. Ibid., Racine et Shakespeare, p. 98.