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Or, chez Nietzsche aussi, dans sa période intellectualiste, il y a avant tout de ce besoin de voir clair ; et son premier postulat, c’est d’admettre que l’homme est un animal. Sans avoir connu des devanciers de Stendhal autre chose peut-être que l’œuvre d’Helvétius, la pensée que Nietzsche leur emprunte le plus souvent, c’est que « pour avoir de la morale une opinion équitable, il faut substituer aux notions morales des notions zoologiques »[1].

Les fonctions animales dépassent plusieurs millions de fois eu importance tous les beaux états de l’âme, toutes les cimes de la conscience[2].

Car les états de conscience, l’esprit, le cœur, la bonté et la vertu servent à intensifier la vie, c’est-à-dire qu’elles sont un autre aspect des fonctions animales qu’elles servent ou qu’elles guident, qu’elles traduisent ou dont elles sont un reflet. Ce corps, dont le Zarathustra chantera la gloire[3] n’est donc pas une matière au sens des matérialistes ; et l’esprit ailé qui en est le symbole, n’est pas immatériel au sens des spiritualistes. Il faut seulement dire que la conscience n’éclaire qu’une faible partie des profondeurs dont elle émane et où vivent les forces qui, mystérieusement, l’alimentent. Cette théorie nietzschéenne, sans doute renforcée par des emprunts à la psychologie physiologique des Français du XIXe siècle, est surtout un écho des idéologues, dont ces théories contemporaines forment elles-mêmes le prolongement.

Le mobile le plus profond des actions humaines, au dire de l’idéologie stendhalienne, est la recherche du

  1. Nietzsche, Wille zur Macht, S 397. {W., XV, 128.)
  2. Ibid., § 674. (W., XVI, 136.)
  3. Zarathustra, Von der schenkenden Tugend. (W., VI, p. 111.)