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La décadence antique sous Constantin est donc plus qu’un événement de conséquences graves, c’est un de ces faits généraux qui, dans l’histoire, reviennent avec régularité. Il reste dans l’Europe d’alors deux centres : Athènes, qui avait si follement prodigué les forces de l’âme, demeurait une petite ville glorieuse par ses souvenirs, où l’on savait goûter avec modestie la vie philosophique et où l’on venait encore chercher la fine culture de l’esprit. Rome puissante, luxueuse, mais vouée à une culture déjà barbare, à une littérature de collectionneurs, à un style composite et savant, immobilise l’esprit dans l’admiration des grands modèles morts. Nulle part, au milieu des grands monuments conservés, « la pure harmonie des formes architecturales, la libre grandeur des statues divines ne parle plus à l’esprit de ce temps[1] ». L’allusion est manifeste à notre propre temps, partagé lui aussi entre le luxe grossier des grandes capitales, une littérature d’épigones et une érudition qui amasse en foule les notions disparates sans avoir le courage d’une préférence active.


V

l’idée de renaissance


Mais voici un second fait général et consolant. Après un long épuisement, les ressources d’énergie se sont accumulées de nouveau. Une inventivité rafraîchie fuse en formes épanouies, que rythme toutefois un profond accord. Tout est renouvelé, les sensations, les images et le sentiment de la vie où elles plongent. Il y a Renaissance. Elle peut se produire en tout pays, sous des

  1. Burckhardt, Die Zeit Constantins, p. 98, 502.