Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/126

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Mais laissons ces instants qu’il nous plaît de louer !
Je suis venu vers toi, guerrier, pour renouer
À nos propos d’hier l’idée interrompue.
Je l’ai portée en moi brisée et suspendue,
Mais menaçante encore ; et ce fut, tout le jour,
Comme si je marchais sous l’ombre d’un vautour,
D’où dégouttait du sang. Quelquefois ma pensée
Croyait suivre, suivait une route tracée
Au faîte trop étroit de deux roides versants,
L’un et l’autre effrayants. Sur ses terrains glissants
Nul ne pouvait marcher entre la double pente,
Tous, après quelques pas, tombaient sur la descente
Vers qui, malgré l’effort pour n’en pas approcher,
Chacun d’entre eux venait pencher et trébucher.
Ces versants descendaient vers deux gorges profondes,
Où s’agitait l’horreur de deux torrents immondes,
Car l’un était de boue et l’autre était de sang.
Dans leur flot limoneux ou leur flot rougissant
Roulait précipitée une innombrable foule,
Comme au flanc d’une dune un sable qui s’écroule ;
Chacun des deux torrents hideux les saisissait ;
L’un les engloutissait, l’autre les fracassait ;
Du vallon de sanie un hurlement étrange
Et des plaintes montaient, mais le vallon de fange