Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/136

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Et d’où peut te venir ce magnifique orgueil.
Tu n’as à vendanger que des coteaux de deuil,
D’où peux-tu rapporter, à défaut de la joie,
Je ne sais quel aplomb familier qui rudoie
Le Destin, je ne sais quel calme, je ne sais
Quelle tranquillité claire. Tu m’apparais
Inexplicablement confiant et paisible.
Moi, pour avoir suivi ton discours inflexible
Jusqu’au terme cruel où tu m’as emmené,
Je reste avec un cœur distrait et consterné,
Je tiens entre mes mains des débris d’espérance,
Je sens en moi trembler un vouloir qui balance
D’une colère impie au découragement.
En vérité, guerrier, je ne saurais comment
Envisager demain et tolérer la vie,
Sur la lugubre butte à ta suite gravie,
D’où je n’aperçois plus qu’un meurtre illimité.
Tout espoir, tout effort et toute activité
S’effondreraient rompus en moi, s il fallait vivre
Dans ces vapeurs de sang dont je me sens comme ivre.
Si cet accablement ne se dissipait pas,
Le court chemin qui va de mon âge au trépas,
Je te l’ai dit déjà, semblerait un espace
Trop long pour y traîner l’incurable disgrâce