Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/159

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Des autres ; le travail de quelques scélérats
Sur les êtres épais qui leur prêtent leurs bras
Les émeut méchamment à des colères mornes.
Jetant leur rêve informe au-delà de leurs bornes,
Ils rôdent, en suivant un sourd et fauve instinct,
Autour du bien public comme autour d’un butin ;
Il n’est point de clarté, de richesse apparue
Où leur brutalité farouche ne se rue.
Comme ceux qui, coupant les arbres du verger,
En gaspillent les fruits, on verrait ravager
Par leur aveugle assaut la longue œuvre des âges,
Si l’on n’affrontait pas à leurs forces sauvages
Une force ordonnée afin de la garder.
Les siècles dévastés ne pourraient raccorder
La chaîne de ces gains dont l’épargne et la suite
Enrichit tour à tour chaque âge qui l’hérite,
Et qui joint son gain propre à ce trésor commun.
Il suffit de la voix vineuse d’un tribun
Pour changer, en un jour, en cendres, l’héritage
De dix siècles, l’honneur d’un pays, et l’ouvrage
D’esprits que la Durée a produits une fois.
Quel saccage de l’âme humaine en ces émois
De troupeaux de bandits, traînant leurs saturnales
De fureurs, de désirs, d’ivresses bestiales.