Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/34

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Crois-tu que je conserve en mes veines si peu
Du vieux sang qui conquit la Liberté pour l’Ordre,
Et, chassant les tyrans, mit les Lois en leur lieu,
Les voulant d’un airain où nul temps ne pût mordre,


Pour qu’il ne me soit pas douloureux de quitter
La lutte où j’avais mis mon cœur et ma colère ?
Sortirais-je des rangs, si j’y pouvais rester
Je ne dis pas en chef, mais en légionnaire !


Nul ne saura jamais l’angoisse de mes jours,
Mes veilles de chagrin jusqu’aux pleurs de l’aurore,
Mille desseins changeants, trop vastes ou trop courts,
Que l’impuissance enfante, édifie et dévore,


Les farouches fureurs d’un combat inégal,
Les indignations, les déboires, les haines,
Et l’espoir que les Dieux se lasseront du mal,
Et l’aveu qu’ils sont sourds aux suppliques humaines !


Si tu veux regarder ou mon front ou mes yeux,
Toi qui les as connus aux heures de jeunesse,
Tu verras l’un chargé de sillons douloureux,
Et les autres brûlés de lueurs de détresse ;