Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/61

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Et lorsqu’ayant ainsi renouvelé sa gloire,
Il sent s’appesantir sur ses yeux l’heure noire
Qui clôt le monde à ceux qui surent l’admirer,
Il connaît que son œuvre et son nom vont durer !


Mais, dis moi, que sens-tu de plus grand en toi-même ?
N’es-tu pas étonné que ce moment suprême
Et vers lequel ta vie a tendu son effort,
Te laisse indifférent, ainsi qu’un vain décor
Fait pour ce que tu fus, et dressé sur ta trace ?
Ton passé te contient tout entier ; il t’efface ;
Tu sembles n’exister que pour l’avoir produit ;
Sur ce sommet hautain auquel il t’a conduit,
Il te délaisse seul et retombe en arrière.
Dans tes vides grandeurs ton âme est solitaire :
Même pour les connaître, il faut que ton regard,
Se détournant de toi, recherche l’étendard
Qui porte inscrits ton nom, tes exploits et ta gloire.
En toi-même, tu n’es plus grand qu’en ta mémoire,
Sous l’immortel laurier que rien ne peut flétrir,
Et qui sera, de plus en plus, un souvenir,
Ton front se flétrira, las de cette couronne
Qu’un honneur plus lointain chaque jour abandonne,