Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/62

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Fatigué de porter cette immortalité,
Dans son ennui croissant et sa stérilité.
Ton bras, oisif d’abord, puis atteint d’impuissance,
Ne pourra plus toucher ton épée et ta lance
Que comme des témoins de ce qu’il accomplit ;
Les regrets te viendront, quand ces morceaux d’oubli
Qui recouvre ou ternit en nous ce que nous fûmes,
Te prendront une part de toi ; des amertumes
Suinteront tristement aux fentes de ton cœur ;
Tenancier désœuvré d’un corps qui fut vainqueur
Dans des combats fameux, pour te trouver encore,
Tu liras des récits de guerre, où l’on honore
La valeur de celui que tu fus autrefois.


Bien plus, tu pourras voir où, parmi les effrois,
Tu passas en poussant le meurtre et l’incendie,
Sur la terre sanglante à peine refroidie,
Renaître des moissons d’hommes et de froment,
Les hameaux reparaître, et sur un fondement
Plus ample et plus profond surgir des cités blanches ;
Les sentiers reprendront leurs bordures de branches,
Et sur les grands chemins les pesants chariots
Rempliront l’air du bruit léger de leurs grelots.