Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/64

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Qui réclame du sang humain pour sacrifice ;
Et s’il faut que sa loi terrible s’accomplisse,
Dont j’ignore la source et ne vois pas la fin,
Pour que les miens revoient le soleil de demain,
Pour garder nos moissons de la faux étrangère,
Je défends le pays qu’a défendu mon père,
Et j’abandonne aux Dieux le soin de me juger !


Il est vrai qu’en buvant l’âpre vin du danger,
Mon être fut saisi d’une ivresse farouche
Dont j’ai gardé le goût surhumain dans ma bouche,
Et dans mon cœur, l’orgueil, la surprise et l’effroi,
Comme si quelque Dieu, se mélangeant à moi,
M’avait rendu plus fort — et plus cruel peut-être !
Des excès que je pus, dans ce transport, commettre,
Non plus que des hauts faits qu’on me vit accomplir.
Ni l’entière fierté, ni l’entier repentir
Ne doivent retomber sur moi, mais sur cet hôte
Dont la présence a fait ma personne plus haute
Et digne du terrible et suprême moment
Où le salut d’un peuple ou bien son châtiment
Passent par le regard et par la voix d’un homme !
Durant ces grands instants, dans lesquels se consomme