Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La fortune d’un siècle et le sort d’un pays,
Si le vainqueur a fait des cités un débris
Où le pâtre verra pulluler la couleuvre,
Il ne fut que l’outil et l’ouvrier d’une œuvre
Dont il voit la grandeur sans en savoir le sens.
Des maux qu’ils ont créés ses bras sont innocents ;
Il ressemble à l’orage, enfanteur de désastres.
Qui n’est qu’un fils lointain de la marche des astres
Où tient de l’univers l’équilibre et la loi,
Pour un progrès qu’aucun des hommes ne conçoit.
Non, vieillard, je n’ai point remords de ces décombres,
Et si mon geste a fait descendre un peuple d’ombres
Au rivage muet où va tout ce qui vit,
Le coupable est l’obscur Destin que j’ai servi
Quand je l’ai détourné des miens et de moi-même !


Si plus tard surgissait, de ces champs qu’on ressème,
Un peuple de nouveaux haineux et menaçant,
J’espère que les fils qui naîtront de mon sang,
Se souvenant de moi dans ces luttes futures,
Reviendront décorés de ces mêmes verdures
Qui croisent aujourd’hui leurs rameaux sur mon front ;
Ou, s’ils sont délaissés par les Dieux, qu’ils mourront