Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/91

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Si le rythme ordonné qu’est toute discipline
Se relâche, languit, se rompt, se dissémine
En stupide inertie, en dément désarroi ;
Si le pouvoir d’aimer un même objet décroit,
Et le commun vouloir devant un même obstacle,
Comme en une immobile et muette débâcle
Qui dissout, désagrège et disperse un pays,
Et n’en fait qu’un amas ruineux de débris,
Sans qu’il soupçonne encor son mal irrémissible ;
Si le vaste tribut semble injuste et pénible
Par qui tout citoyen, donnant un peu de soi,
Forme et mérite ainsi le secours quil reçoit,
Et si chacun retient sa part de sacrifice ;
Si la nation même — impitoyable indice ! —
Laisse comme un fardeau ses souvenirs tomber ;
Enfin si, quand soudain l’orage peut flamber,
Des marchands de discours et des vendeurs de phrases,
Ceux qui font résonner sous leurs creuses emphases
Les échos toujours prêts de notre lâcheté,
Par un peuple orgueilleux de sa débilité
Sur leurs tréteaux d’un jour sont pris pour des prophètes
Qui proclament le terme et l’arrêt des tempêtes.
Alors, quand ni les corps, ni les cœurs, ni l’État,
Quand rien n’existe plus, alors vient l’attentat !