Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/95

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Je veux que le grand flot de la Paix ait atteint
Jusqu’aux extrêmes bords du monde, et se répande
Sur un sol rouge encor, où la dernière bande
De ces hommes déments au cœur farouche et fier
Qui sous les cieux muets faisaient appel au fer,
Dans un suprême assaut vient d’être anéantie ;
Vers l’endroit lumineux d’où la Paix est partie,
Retourne-toi, regarde, ô vieillard, et frémis !


Sur ces champs bienheureux, dès longtemps endormis
Aux torpeurs d’un destin sans péril et sans lutte,
Dans cet air sans clairons, la langoureuse flûte
S’est soudain irritée en âpres sifflements ;
Des débats, des désirs, des rêves, des ferments
Nouveaux se sont aigris dans les flancs clos du vase ;
D’inattendus conflits sont sortis d’une phrase
Où certains prétendaient enfermer une foi ;
D’autres ont d’un concept voulu faire une loi,
Et sceller tous les cœurs d’une même formule ;
D’autres dont le cerveau tumultueux circule,
Et rôde sur le bord de problèmes sans fond,
Ont tenté d’imposer le mirage infécond
Qu’ils croient avoir saisi dans leurs mains convulsées,
Tandis qu’il flotte et change en leurs vagues pensées ;