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portrait de rousseau par jean houël

durera de 1782 à 1787. Pendant la Révolution, il revient un peu à l’architecture et multiplie des projets de monuments publics, de colonnes triomphales, sans que d’ailleurs aucun ait été exécuté. Enfin, sans jamais cesser de travailler d’après sa chère Sicile, il s’occupe, pendant la dernière période de sa vie, de portraits, de paysages de Normandie, d’études d’animaux, notamment d’éléphants[1]. Il meurt, célibataire, à Paris, en 1813, à près de 80 ans. Aimable, actif, cultivé, l’esprit ouvert aux curiosités les plus diverses, il est pleinement un homme du xviiie siècle : il a fréquenté dans sa jeunesse le salon de Mme Geoffrin ; il aime les philosophes (lors de son premier départ pour l’Italie, il va rendre visite à Voltaire et il esquisse sur son album, avec quelques vues des jardins de Ferney, les traits du « Patriarche » ; il aurait fait aussi un portrait de Diderot) ; il déteste la superstition, prend ardemment parti pour la Révolution et consacre une gouache enthousiaste à la prise de la Bastille[2]. Tel nous apparaît, en résumé, l’auteur du

  1. Il publia en 1803 une « Histoire naturelle des deux éléphants mâle et femelle du Muséum de Paris avec 20 estampes, « Paris, an XII ».
  2. Le texte de M. Vloberg dans son récent ouvrage, si précieux par ses documents et ses illustrations, et où j’ai puisé la plupart des renseignements qui précèdent, pourrait avoir été rédigé par un ultra, au temps de la Restauration et de la Chambre introuvable. L’auteur est sans cesse occupé à plaider, non sans embarras, les circonstances atténuantes en faveur de Houël, libre-penseur et franc-maçon, de qui l’intelligence, déplore-t-il, « est restée obnubilée par les influences rationalistes ». Et quand il rencontre sur sa route Voltaire, « prototype de la vilenie », et Rousseau, « prototype de la niaise misanthropie », il se déchaîne avec une violence ampoulée qui désarme ; ainsi, par exemple, à propos de dessin qui nous occupe, il écrit (p. 143) : « Si Houël avait mis quelque coloris sur ce dessin, il eût peint sans doute plombé et livide le visage de celui qui voulait retourner à l’état sauvage, mais que les fauves eux-mêmes auraient renié pour avoir été un père dénaturé. » Ces lignes donnent un échantillon des idées, du ton et du style.