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de Robinson Crusoé.

été sauvés, & moi perdu ? Pourquoi ai-je été le seul épargné ? Lequel vaut mieux d’être ici ou d’être là ? (en même tems je montrois la mer avec le doigt). Ne faut-il pas considérer les choses du bon & du mauvais côté ? Et les biens dont nous jouissons ne doivent-ils pas nous consoler des maux qui nous affligent ?

Ensuite je considérois combien j’étois avantageusement pourvu pour ma subsistance ; quel seroit mon sort, s’il ne fût pas arrivé, par un coup qui n’arrivera pas de cent fois une, que le vaisseau flottât du banc où il avoit premièrement donné pour dériver tellement vers la terre, que j’eusse le tems d’en tirer tout ce que j’avois par devers moi. Qu’aurois-je fait, si j’avois été obligé de demeurer dans la même condition dans laquelle j’avois abordé dans l’Isle, sans les choses nécessaires pour me procurer les besoins de la vie ? « Que deviendrois-je ? m’écriai-je tout haut dans ce soliloque, que deviendrois-je sans mon fusil, par exemple, sans munitions pour aller à la chasse, sans outils pour travailler, sans habits pour me couvrir, sans lit pour reposer, sans tente pour habiter ? Je jouissois alors de ces choses, j’en étois fourni d’une quantité suffisante, & j’avois en main le moyen de me pourvoir d’une manière à me passer un jour de mon fusil, quand une fois mes munitions seroient