Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/286

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vie m’attendait ? Sans doute, c’est une enfant charmante, mais aurais-je pu remplir sa vie. J’ai pensé et dit qu’il n’y a pas de bonheur en dehors de la vie de famille ; sur ma route, j’ai rencontré force charmantes et séduisantes jeunes filles avec qui ce bonheur semblait possible, et cependant je ne fis jamais aucune tentative pour le réaliser : je l’ai toujours ajourné, j’attendais toujours quelque chose d’extraordinaire… La raison de ces atermoiements, c’est que je ne pensais jamais à la vieillesse : elle n’entrait pas dans mes calculs d’avenir.

L’année dernière, quand quelqu’un me traitait de vieux célibataire, je riais de tout mon cœur : célibataire, oui ; mais pourquoi vieux ! Or voilà qu’après un demi-siècle passé à rêver platoniquement au bonheur familial, j’ai fait coup sur coup, dans la même journée, deux demandes en mariage. Si mon histoire avec Lydia, par la somme des souffrances qu’elle m’a causées, peut s’appeler un drame, mon aventure avec Maria Pétrovna est un vaudeville, un lever de rideau.

Depuis, j’ai longuement réfléchi à ce qui m’avait poussé à tenter cette démarche inattendue et grotesque, et je me suis convaincu qu’inconsciemment j’avais obéi à la dernière