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MALUS.

Le 14 vendémiaire an ix, Malus écrivait de Benisouf, à son ami Lancret : « Je vis ici comme un ermite, je passe des journées entières sans proférer une seule parole. » Il paraît que notre confrère s’abandonnait assez souvent à son goût pour le mutisme. Les élèves de l’École polytechnique et de l’École d’application racontaient qu’en parcourant leurs épures, il se contentait d’indiquer du doigt la partie sur laquelle il désirait des explications et sans articuler un seul mot. Cette manière d’interroger, qui contrastait si complétement avec celle de quelques autres examinateurs, les contemporains de notre confrère, les avait beaucoup étonnés. Mais ils n’en rendaient pas moins une complète justice à la patience éclairée, à l’intelligence et à la parfaite loyauté qui caractérisaient tous les jugements portés par Malus à la suite de ses examens.

Malus remplissait par intérim, en 1811 les fonctions de directeur des études de l’École polytechnique ; on n’attendait plus que l’accomplissement de quelques formalités réglementaires pour lui confier définitivement cet important emploi. La compagne de son choix, qu’il était allé chercher à Giessen après l’expédition d’Égypte, répandait sur son existence un ineffable bonheur. Les Académies les plus célèbres de l’Europe s’empressaient à l’envi de se l’associer.

Il était aimé, honoré, estimé de tous ceux qui le connaissaient. Il devait jouir d’avance des découvertes brillantes que lui promettait son génie. Il possédait enfin, après les labeurs guerriers de sa première jeunesse, tout ce qui doit attacher à la vie. Et c’est alors que, pour le