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SI TU M’AVAIS AIMÉE


La nuit approche et glisse autour de ma demeure ;
Sur les prés, d’où s’élève un brouillard gris d’argent,
Un rayon, qui s’attarde après la dernière heure,
Déchire le tissu de son doigt diligent.

Dans l’ombre où vont tomber les fleurs du jour fanées
Je vois de chers et doux fantômes accourir !
Voici les compagnons de mes jeunes années !
Tous ont aux mains le frais rameau du souvenir.

Ils passent lentement, et chacun d’eux abaisse
La palme frémissante en me frôlant un peu ;
Leur visage s’anime et leur voix me caresse ;
Je sens mon front brûler sous un cercle de feu.

C’est toi, c’est toi, ma mère !… Ô douce, ô bien-aimée !
C’est ton beau port de reine et l’or de tes cheveux ;
C’est ta petite main, étroite et parfumée,
Ton sourire et l’azur velouté de tes yeux.