Page:Arnaud - Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris, 2.djvu/164

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» Par ton art ambigu, mes doutes excités,
» Assiégent ma raison de leurs perplexités.
» Que dis-je ? ma raison ! sur les choses futures
» Ai-je le temps d’asseoir de vaines conjectures ?
» La mort, la mort me presse ; ô mort ! j’entends ta voix,
» Adieu, mon père ! adieu pour la dernière fois. »

C’était ainsi qu’un jour dans un âge encor tendre,
Au lit de mort, hélas ! ma voix se fit entendre.
Hors d’haleine, épuisé, je me tus. J’essayai
De lever ma paupière, et mon œil effrayé
Vil (ô ciel ! quel spectacle et quels objets funèbres !)
Une lampe mourante au milieu des ténèbres.
Un timide Esculape à mes côtés assis ;
Un prêtre agenouillé ; des spectateurs transis ;
L’amitié dans un coin, la douleur accablée ;
Mon frère au désespoir ; ma sœur échevelée,
Étendue à mes pieds, sans voix, sans mouvemens ;
Mon père déchirant ses tristes vêtemens,
Enfin, autour de moi, la peur, la défaillance,
La prière, les cris, les larmes, le silence.

Couvert d’un drap lugubre, un squelette hideux
Le soulève et l’étend pour nous cacher tous deux.
De ses os décharnés il nous presse, il m’embrasse,
Il m’entraîne. L’abime est ouvert sous sa trace.
De ce gouffre béant le spectacle est affreux.
J’oppose au spectre horrible un effort douloureux ;
J’ose lui résister. Mais (ô merveille étrange !)
Tout prend un autre aspect. Soudain le spectre change
Il tenait d’une main un tison renversé,
Et de l’autre une faulx dont j’étais menacé.
Des fleurs cachent la faulx, le tison se rallume ;
D’une tombe profonde il semble qu’on m’exhume.