Page:Aubanel - Thore - Recherches statistiques sur l’aliénation mentale faites à l’hospice de Bicêtre.djvu/101

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d’un complet isolement ! Privés de tout excitant intellectuel, leurs facultés s’affaiblissaient chaque jour, le cercle de leurs idées se rétrécissait faute d’aliments ; et lorsque, rendus à la liberté, ils purent embrasser les compagnons de souffrance, leur mémoire cherchait en vain des mots que leur main ne savait plus tracer. Plusieurs d’entre eux étaient en proie à des hallucinations qu’ils redoutaient comme des réalités[1]. Laissons parler Silvio Pellico :

In quelle orrende notti, l’immaginativa mi, s’esaltava tolora in guisa, che pareami, sebbenè svegliato, or d’ udir gemiti nel mio carcere or d’ udir risa suffocate. Dall’ infanzia in poi non era ma stato credulo a streghe e folletti, ed or quelle risa è que gemiti mi atterivano, è non sapeà come spieger ciò, ed crà costretto à dubitare, s’ io non fossi lubridio d’incogniti maligne potenze…

Sur 14 individus qui peu de temps avant leur admission avaient été incarcérés, 1 avait voulu se suicider, 1 était stupide, 1 monomaniaque, 1 mélancolique, 3 étaient maniaques ; enfin il y en avait 7 atteints de démence, dont 5 paralytiques. Nous serions donc, s’il est permis de tirer quelque induction de faits si peu nombreux, disposés à regarder le séjour de la prison comme favorisant la folie, et la démence paralytique en particulier. Nous nous étions d’abord proposé de comparer ce nombre d’aliénés à la population des prisons de Paris ; mais tous n’avaient point

  1. J’ai en ce moment sous les yeux, dans une des salles de l’Hôtel-Dieu, un malade qui a passé plus de deux années dans une cellule de prison de Beaulieu. Il y est devenu aliéné et a été tourmenté par d’horribles hallucinations.