Page:Aubertin - Sénèque et Saint Paul, 1872.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous allons répondre à ce désir légitime en retraçant l’historique d’une croyance qui, aujourd’hui même, ne manque pas d’adhérents. Dans cet ordre de recherches nous rencontrons deux sortes de documents : des témoignages que nous discuterons, et une correspondance qu’il nous suffira de citer, car une telle pièce, base très-convenable d’une pareille légende, porte avec soi sa réfutation.

Voyons d’abord les témoignages.

Une réflexion se présente à l’esprit : puisque, dès les premiers siècles de l’Église, les plagiats attribués aux philosophes grecs ont excité de si vives controverses, on a dû signaler avec autant d’ardeur l’imitation des Épîtres de saint Paul dans les écrits de Sénèque. Les mêmes passions, les mêmes intérêts y poussaient les chrétiens. Or, quelque haut qu’on remonte dans l’antiquité ecclésiastique, le plus ancien témoignage qu’elle nous fournisse à ce sujet est du ive siècle et de saint Jérôme. À dire vrai, il est le seul qui soit exprimé en termes précis et qui ait quelque valeur ; les autorités de surcroît qu’on allègue sont vaines ou peu décisives. C’est le passage de saint Jérôme qui a inspiré toutes les conjectures imaginées dans les siècles suivants ; tout ce qu’on a ajouté à ce texte primitif en est une reproduction ou un commentaire.

Le voici en entier : « Sénèque de Cordoue, disciple du stoïcien Sotion, oncle du poëte Lucain, fut un modèle de continence. Je ne lui assignerais pas un rang dans cette liste des écrivains de l’Église, si je n’y étais invité par ces lettres qui sont dans un grand nombre de mains sous ce titre : Paul à Sénèque, et