Page:Audebrand - Derniers jours de la Bohème, Calmann-Lévy.djvu/97

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cation à la modestie : Petite fleur des bois, — toujours, toujours cachée... Cela se chantait au piano, et c’était aussi charmant à voir qu’a entendre, quand c’était modulé par quelque jeune ténor léger qui pour bien détacher la fraîcheur de ces strophes, arrangeait sa bouche en cul-de-poule et mettait dans sa voix le trémolo de l’élégie.

Un soir que le hasard m’avait fait m’asseoir à côté de lui, nous nous mimes à causer. Comme je ne suis pas un grand clerc en fait de musique, je lui parlai de son art fort à l’étourdie et, en particulier, de la romance, ce genre si attrayant du reste, auquel il demandait sa mie de pain et sa gloire. Il crut, fort à tort, que je me moquais, ce qui était, je le jure, à cent lieues ou à vingt-cinq kilomètres de ma pensée. Un peu de commentaire suffit à l’adoucir. Il se lança alors dans un monologue plus long que celui de Charles-Quint dans Hernani.

— Ah ! cher monsieur, s’écria-t-il, si, tout à l’heure, j’ai un peu montré les dents, c’est parce que, dans ce campement de bohèmes où nous sommes, la romance est en défaveur ou même en dérision. À cause de son peu d’étendue, ils la regardent comme une quantité négligeable. Eh bien, qu’en dites-vous ? N’est-ce pas très bête ? En matière d’art, le poids de la substance n’est rien. On n’a à considérer que la perfection de l’œuvre : le beau, le bon, le vrai, n’est-ce pas ?