Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/238

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J’osai la défendre :

— Elle arrive à faire vivre une trentaine d’ouvrières.

Il s’impatienta :

— Personne ne l’y oblige. Qu’elle se fasse vivre d’abord.

Et il menaça de ne plus s’occuper des comptes de l’atelier.

Il vint cependant avec nous chez Quibu, le lendemain. Sa présence donna de l’audace à Mme Dalignac et elle maintint ses prix comme je ne le lui avais jamais vu faire.

Le marchand lui répondit d’abord poliment, avec l’air de condescendance des autres fois, puis il devint plus ferme, et comme elle ne cédait pas, il se fit dur et lui dit avec insolence :

— Est-ce vous qui avez la peine de vendre vos modèles ?

Mme Dalignac ne serait pas devenue plus rouge, si on l’eût accusée de vol. Elle eut cet affaissement des épaules que je connaissais bien, et ce fut fini. À peine dehors, Clément donna raison au marchand :

— Il ne laisse pas sa part aux autres, lui. Et c’est ainsi que je ferai lorsque je serai patron.

Et comme nous marchions vite, il nous obligea de ralentir le pas, en ajoutant :

— Il faut toujours tirer la couverture à soi.

Je cherchai le regard de Mme Dalignac, mais je ne le rencontrai pas. Il se posait bienveillant et gai sur son neveu :