Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/100

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mâts qui s’inclinaient sveltes et polis, en se balançant sous la brise, me rappelaient les forêts de roseaux ondoyants aux bords du Mississipi. Cependant le vaisseau avait changé de route et s’était rapproché de nous. La Marion, semblable à un oiseau de mer, les ailes étendues, effleurait les ondes, bercée par un doux roulis, tandis que le navire inconnu bondissait de vague en vague, comme le dauphin rapide à la poursuite de sa proie. Bientôt nous glissions bord à bord, et le commandant de l’étrange schooner saluait notre capitaine, qui lui rendait promptement sa politesse. Quel beau vaisseau, pensions-nous, quelles justes proportions, quel fin gréement, et comme il est bien manœuvré ! Il nage mieux qu’une mouette, il s’élance ; et en quelques embardées, le voilà là-bas, vers les récifs, à deux ou trois milles sous notre vent. Maintenant, dans cet étroit passage, bien connu sans doute de son commandant, il roule, il pirouette, il danse, ballotté comme une plume légère ; le cuivre de sa carène tantôt étincelle sur le dos des vagues, et tantôt s’enfonce profondément dans l’abîme. Mais le dangereux passage est traversé ; il se remet au vent, reprend sa direction première et disparaît par degrés à notre vue… Lecteur, c’était un naufrageur de la Caroline.

Aux îles Tortugas, je voulus visiter quelques-uns de ces vaisseaux, en compagnie d’un ami. Nous avions déjà remarqué la parfaite discipline et la vivacité des hommes employés à cette tâche ardue ; en approchant d’un de leurs plus grands schooners, j’admirai sa forme si bien adaptée à sa destination, la largeur de