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LES NAUFRAGEURS[1] DE LA FLORIDE.


Longtemps avant de songer à visiter moi-même les îles délicieuses des rivages sud-est de nos Florides, ce que j’avais entendu raconter des naufrageurs m’avait inspiré contre eux de terribles préventions. Souvent on m’avait parlé des moyens lâches et barbares que, disait-on, ils employaient pour attirer les vaisseaux de toutes nations sur les récifs où ils pillaient la cargaison et dépouillaient matelots et passagers ; de sorte que je ne me sentais qu’un médiocre désir de rencontrer de pareils hommes, et moins encore de me voir forcé de recourir à leur assistance. Le nom de naufrageur s’était associé, dans mon esprit, aux idées de piraterie, de cruauté, et même d’assassinat.

Je me trouvais, par une belle journée, sur le pont luisant de la Marion, coutre de la douane des États-Unis, lorsqu’une voile monta à l’horizon, se portant dans une direction opposée et serrant de près le vent. Les

  1. Nous nous permettons ce néologisme qui répond exactement au mot Wreckers du texte. Autrement il nous faudrait dire, par une longue périphrase, « des individus dont le métier est d’épier, sinon d’occasionner eux-mêmes les naufrages, et de vivre de leurs débris ».