Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/147

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temps, lorsque les mâles font la cour aux femelles, ou qu’ils se battent entre eux. C’est une sorte de kewrr, kewrr, kewrooh ; et, si étranges et si rauques qu’ils paraissent, mon oreille les a toujours écoutés avec plaisir.

En décembre 1833, j’envoyai mon fils à Spring-Island, sur la côte de Géorgie, où ces Grues ont l’habitude de séjourner chaque hiver. M. Hammond, le propriétaire de l’île, le reçut avec cette bienveillante cordialité qui distingue les planteurs du Sud. Les Grues abondaient ; on en trouvait sur tous les champs de pommes de terre, qu’elles fouillaient avec non moins d’adresse que les nègres eux-mêmes ; on les voyait explorer avec soin chaque sillon, le sonder de leurs pieds et de leur bec, à la manière des bécasses et bécassines, et quand elles avaient frappé sur quelque tubercule, en écarter la terre, l’arracher, et enfin le manger par petits morceaux. C’est ainsi qu’elles s’en allaient, sur la surface entière du champ, glanant toutes les pommes de terre qui avaient échappé aux cueilleurs. Cependant, elles étaient si farouches, que mon fils, malgré les plus grandes précautions, et bien qu’il eût la main prompte et le coup d’œil bon, ne put jamais en tuer qu’une jeune. Je la reconnus pour être de l’année, à sa couleur d’un brun rougeâtre, aux longues plumes qui commençaient à paraître sur le croupion, et enfin à ce que la tête était encore couverte d’une sorte de poils entre lesquels se voyait la peau ridée si remarquable chez les vieux oiseaux de cette espèce. Ce jeune sujet, du reste, fut soigneusement étudié et décrit, et la peau est maintenant au musée britannique