Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/198

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Déployant son immense envergure, il se meut en larges cercles, sans perdre de vue les objets au-dessous de lui ; rauques et puissants, ses cris retentissent et portent l’épouvante en bas, parmi les multitudes emplumées. Maintenant il prend son essor, effleure les rochers de chaque baie, visite les petites îles et s’élance vers la terre couverte de bruyères et de mousses, du milieu desquelles peut-être le cri du tétrao ou de quelques autres oiseaux est parvenu jusqu’à lui. Tandis qu’il passe ainsi au-dessus des flots bouillonnants, des lacs, des marais, les parents, qui l’ont aperçu, se préparent à défendre leur couvée encore sans plumes, ou à la dérober, par la fuite, au bec cruel du ravisseur. Même le peuple des eaux, effrayé, rentre à son approche plus profondément sous les ondes ; les jeunes oiseaux deviennent silencieux dans leurs nids, ou cherchent à se cacher dans les crevasses des rochers. Les guillemots, les boubies n’osent regarder en haut, et les autres Goëlands, incapables de se mesurer avec un adversaire si redoutable, lui font place lorsqu’il s’avance. — Là-bas, là-bas, parmi les vagues écumantes, il a vu flotter le cadavre de quelque monstre de l’abîme, et c’est vers cette riche proie qu’il se précipite. Il s’abat sur l’énorme baleine, redresse vivement la tête, ouvre le bec, et plus perçants, plus triomphants que jamais il envoie ses cris au travers des airs. Alors il se promène à son aise sur la masse en putréfaction, et quand il s’est assuré que tout va bien, commence à tirailler, à déchirer, engloutissant morceaux après morceaux ; enfin, rempli jusqu’à la gorge et n’en pouvant plus, il se couche,