Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/199

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pour se reposer un moment aux faibles rayons d’un soleil du Nord. Grandes cependant sont les facultés de son estomac, et bientôt il a digéré les aliments à demi corrompus dont, ainsi que le vautour, il fait ses délices. Mais, comme tous les gloutons, il aime la variété, et le voilà qui se dirige vers quelque île bien connue, où il doit trouver des milliers d’œufs et de jeunes oiseaux. Là, sans miséricorde, il brise les coquilles, en avale le contenu, et dévore à loisir les pauvres petits sans défense. Ni les cris des parents, ni leurs efforts pour repousser le destructeur, ne le peuvent émouvoir, et il ne s’arrête qu’après avoir satisfait de nouveau la voracité de son appétit. Toutefois ce despote impitoyable est un vrai lâche : il ne songe plus qu’à se cacher, lorsqu’il voit venir à lui le skua[1] qui, comparativement petit comme il l’est, fait preuve d’un courage et d’une audace devant lesquels l’ignoble maraudeur se sent trembler.

En confrontant cette espèce avec quelques autres de la même tribu, en remarquant sa grande taille, la puissance de son vol et sa constitution robuste, on s’étonne que ses excursions soient si limitées pendant la saison des œufs. On n’en trouve que quelques individus au nord de l’entrée de la baie de Baffin, et rarement plus haut, puisque le docteur Richardson ne les mentionne pas dans sa faune de l’Amérique boréale. Le long de nos côtes, aucun ne vient nicher plus bas que l’extré-

  1. The skua, aux îles Féroé ; on appelle ainsi le Goëland varié ou grisard.