Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/241

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

milles plus loin, nous trouverions un déjeuner beaucoup meilleur que notre dernier souper. Il ne voulut jamais recevoir d’argent ; seulement, je parvins à lui faire accepter un couteau. Nous nous remîmes en route ; au départ, mon fils paraissait très faible, mais il reprit courage, tandis que notre vaillant compagnon que j’appellerai S. montrait tous les symptômes d’une extrême lassitude. Comme on nous l’avait annoncé, nous arrivâmes à une maisonnette habitée par une espèce de grand fainéant auquel le ciel avait accordé plus qu’il ne méritait, en lui donnant une femme active et six robustes enfants qui tous travaillaient pour le faire vivre. La femme nous accueillit bien ; son langage et ses manières indiquaient une naissance beaucoup au-dessus de sa position. Jamais je n’ai mieux déjeuné : le pain était fait de blé nouveau, moulu par les mains de notre hôtesse aux yeux bleus ; les poulets avaient été préparés par une de ses charmantes filles. Nous eûmes aussi d’excellent café, et mon fils put se régaler de lait frais. La bonne dame, qui maintenant tenait un petit enfant sur son sein, semblait toute réjouie de nous voir manger avec tant d’appétit. Ses fils s’en furent à leur ouvrage, et le paresseux de mari s’installa devant la porte pour fumer sa pipe. Nous mîmes un dollar dans la main potelée de l’enfant et dîmes adieu à sa mère. D’abord, nous voulûmes continuer le long du rivage ; mais il nous fallut bientôt rentrer dans les bois. Cependant, mon fils commençait à s’affaisser. Cher enfant ! Je le vois encore se couchant sur une souche, épuisé de fatigue, et de grosses larmes lui tombant des