Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/435

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seau, sans jamais changer de couleur aux diverses mues. Le cormoran, au contraire, met trois ou quatre ans à prendre la livrée qui distingue la saison des amours, et encore ne la garde-t-il que pendant cette période de surexcitation extraordinaire. Chez la femelle de l’Anhinga, les plumes poussent aussi promptement que chez le mâle, et les mues qu’elle subit n’en altèrent pas non plus la couleur.

Comme tous les oiseaux carnivores et piscivores, l’Anhinga peut rester à jeun des jours et des nuits, sans en paraître beaucoup incommodé. Lorsqu’il est blessé et qu’on veut le prendre et l’amener à terre, il semble regarder ses ennemis sans frayeur. En pareil cas, je le voyais surveiller attentivement mon approche ou celle de mon chien ; il se tenait aussi droit que ses blessures le lui permettaient, la tête retirée en arrière, le bec ouvert, la gorge gonflée de colère ; puis, quand il nous croyait à bonne distance, il dardait en avant son bec qui faisait souvent de cruelles blessures. Un, entre autres, en donna un si furieux coup sur le nez de mon chien, qu’il y demeura attaché et se laissa traîner l’espace de trente pas, jusqu’à mes pieds. Si on les prend par le cou, ils font sentir à l’assaillant le pouvoir de leurs griffes aiguës, et se défendent en battant des ailes, avec une vigueur qu’on serait loin de leur supposer. J’ai pu remarquer souvent l’adresse singulière avec laquelle cet oiseau sait se tirer d’un danger imprévu ; et je veux vous en rapporter un exemple qui témoigne d’une sorte de raison : Un jour, en compagnie du capitaine Piercy de la marine des États-Unis, je remontais la rivière