Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/449

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j’avais eu soin de marquer la place en courbant quelques herbes sèches aux environs. Ces détails, j’en suis sûr, ne vous paraîtront pas minutieux à vous, cher lecteur ; et quant aux personnes qui pourraient les trouver ennuyeux, qu’elles me permettent de leur dire qu’un amateur éclairé de la nature ne prend jamais trop de précautions lorsqu’il s’agit de marquer ou d’indiquer la place précise d’un nid d’oiseau : moi-même j’en ai souvent perdu pour n’y avoir pas fait assez d’attention. Étant ainsi dûment avertis, nous nous y prendrons de notre mieux pour approcher sans être vus de l’oiseau qui couve. Il n’y a guère moyen d’aller vite quand on a de l’eau et de la boue jusqu’au genou ; néanmoins, comme le trajet n’était que de quarante à cinquante mètres, j’eus bientôt atteint la petite île où l’Avocette se tenait tranquillement sur son nid. Tout doucement et à quatre pieds, je rampe vers elle, inondé de sueur, étouffant de chaud, et craignant surtout qu’elle ne m’aperçoive. Déjà je ne suis plus qu’à quelques pieds de la pauvrette qui ne s’en doute pas ; et je la vois très bien à travers les herbes. Douce créature, si paisible, si innocente hélas ! et si près de ton ennemi ! Mais ne crains rien ; je ne suis là que pour m’instruire et t’admirer. La voici donc, la bonne mère, sur ses œufs, ses longues jambes reployées sous le corps, la tête languissamment ramenée parmi les plumes, et ses yeux que ne ranime plus la présence du mâle, à demi-clos, comme si elle rêvait des scènes futures — et moi, j’observe tout cela ; je regarde encore et suis heureux. — Hélas ! par malheur elle m’a vu ; elle se traîne par terre, détale en