Page:Auguste de Gérando - La Transylvanie et ses habitants, 1845, Tome II.djvu/181

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étaient Sicules, ils avaient le droit de discuter éternellement. Pressés par la faim, et probablement aussi cédant à la tentation de quelque diable, nos chevaux avaient mangé de l’herbe qui croit au pied de la montagne. À cette vue, le garde, qui se promenait non loin de là, s’était dirigé vers le guide, lentement, à pas comptés, comme il convient à tout paysan hongrois, et avait commencé à lui adresser des reproches. L’autre ne manqua pas une si belle occasion et riposta. La discussion durait depuis fort long-temps quand nous arrivâmes. Le garde affirmait que, peu d’heures avant, le pré était couvert de cumin, pour la disparition duquel il demandait des dommages-intérêts. Son adversaire répondait que la moindre pièce de monnaie avait plus de valeur que tout le cumin dévoré par les chevaux. Ils parlaient tour à tour, sans céder un pouce de terrain. À la fin, les deux orateurs, jugeant avec raison que je pourrais me lasser de leurs discours, mirent fin au différend par un commun accord, et le procès resta sans jugement. Mais ils avaient discuté, ce qui était bien quelque chose.

Il va sans dire que chacun d’eux s’adressait à l’autre avec une extrême politesse et le plus grand sang-froid. Le garde, qui était plus âgé, appelait le guide öcséin, « mon frère cadet », et celui-ci lui donnait le nom de bátyám, « mon frère aîné ». Ces expressions affectueuses sont constamment usitées parmi le peuple, car le paysan, hongrois est bienveillant autant que poli. Le Sicule,