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LUTIN

s’achevait ; qu’elle ne le souffrirait pas pour tous les trésors du monde. Le mari voulu se moquer d’elle, il la traitait de visionnaire ; mais Lutin s’en approcha, et lui dit : « Vieil incrédule, si tu ne crois ta femme il t’en coûtera la vie : romps l’hymen de ta fille, et la donne promptement à celui qu’elle aime. » Ces paroles produisirent un effet admirable ; on congédia sur-le-champ le fiancé, on lui dit qu’on ne rompait que par des ordres d’en haut. Il en voulait douter et chicaner, car il était Normand ; mais Lutin lui fit un si terrible hou hou dans l’oreille, qu’il en pensa devenir sourd ; et pour l’achever il lui marcha si fort sur ses pieds goutteux, qu’il les écrasa.

Ainsi on courut chercher l’amant du bois qui continuait de se désespérer. Lutin l’attendait avec mille impatiences, et il n’y avait que sa jeune maîtresse qui pût en avoir davantage. L’amant et la maîtresse furent sur le point de mourir de joie ; le festin qui avait été préparé pour les noces du vieillard, servit à celles de ces heureux amans ; et Lutin se délutinant, parut tout d’un coup à la porte de la salle comme un étranger qui était attiré par le bruit de la fête. Dès que le marié l’aperçut, il courut se jeter à ses pieds, le nommant de tous les noms que sa reconnaissance pouvait lui fournir. Il passa deux jours dans ce château ; et s’il avait voulu, il les aurait ruinés, car ils lui offrirent tout leur bien : il ne quitta une si bonne compagnie qu’avec regret.