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LE PRINCE

rustique, l’agriculture, les moissons, les jardins, les fleurs, les abeilles ; et parmi tant de différentes choses, il n’y paraissait ni hommes, ni garçons, pas un pauvre petit Amour ; la fée avait été trop en colère contre son léger époux, pour faire grâce à son sexe infidèle.

« Abricotine ne m’a point trompé, dit le prince en lui-même, l’on a banni de ces lieux jusqu’à l’idée des hommes : voyons donc s’ils y perdent beaucoup. Il entra dans le palais, et rencontrait à chaque pas des choses si merveilleuses, que lorsqu’il y avait une fois jeté les yeux, il se faisait une violence extrême pour les en retirer : l’or et les diamans étaient bien moins rares par leurs qualités, que par la manière dont ils étaient employés. Il voyait de tous côtés de jeunes personnes d’un air doux, innocent, riantes et belles comme le beau jour. Il traversa un grand nombre de vastes appartemens ; les uns étaient remplis de ces beaux morceaux de la Chine, dont l’odeur, jointe à la bizarrerie des couleurs et des figures, plaît infiniment ; d’autres étaient de porcelaines si fines que l’on voyait le jour au travers des murailles qui en étaient faites ; d’autres étaient de cristal de roche gravé : il y en avait d’ambre et de corail, de lapis, d’agate, de cornaline ; et celui de la princesse était tout entier de grandes glaces de miroirs car on ne pouvait trop multiplier un objet si charmant.

Son trône était fait d’une seule perle, creusée en coquille, où elle s’asseyait fort commodément ;