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PRINTANIÈRE.

tant, quand on entendit dans l’air plus de mille corbeaux, chouettes, corneilles, et autres oiseaux d’un sinistre augure, qui, par leurs croassemens, n’annonçaient rien de bon. En même temps un vilain hibou, d’une grandeur prodigieuse, vint à tire d’aile tenant dans son bec une écharpe de toile d’araignée, brodée d’ailes de chauve-souris : il laissa tomber cette écharpe sur les épaules de Printanière, et l’on entendit de longs éclats de rire, qui signifiaient assez que c’était là une mauvaise plaisanterie de la façon de Carabosse.

À cette lugubre vision, tout le monde se mit à pleurer, et la reine, plus affligée que personne, voulut arracher l’écharpe noire ; mais elle semblait clouée sur les épaules de sa fille : « Ah ! dit-elle, voilà un tour de notre ennemie, rien ne peut l’apaiser ; je lui ai envoyé inutilement plus de cinquante livres de confitures, autant de sucre royal, et deux jambons de Mayence : elle n’en a tenu compte. »

Pendant qu’elle se lamentait, on se mouillait jusqu’aux os. Printanière, entêtée de l’ambassadeur, gagnait toujours pays, et sans dire un seul mot, elle songeait que pourvu qu’elle pût lui plaire, elle ne se souciait ni de Carabosse ni de son écharpe de triste présage : elle s’étonnait en elle-même qu’il ne vînt point au-devant d’elle, quand tout d’un coup elle le vit paraître à côté du roi. Aussitôt les trompettes, les tambours et les violons firent un bruit agréable, les cris du peuple redoublèrent ; enfin la joie parut extraordinaire.